On a taillé une bavette à l’échalote avec Olivier Dall’Oglio. Si tu te demandais quel genre d’homme est à la manœuvre pour faire remonter ton club chéri en Ligue 1… Olivier se livre ici en grandeur nature, avec classe, et authenticité. Entretien en 4-5-1 avec débordements sur les ailes.
Avant l’entraîneur Dall’Oglio, il y a eu le joueur Dall’Oglio. 343 matchs en pro et quelques tacles. Vous êtes passé dans des clubs qui respirent bon le foot des années 90 comme le RC Strasbourg ou le Stade Rennais. Vous étiez quelle sorte de joueur Olivier ? Défenseur dur sur l’homme ou défenseur élégant à la Maldini ?
J’étais un défenseur central plutôt rugueux, assez accrocheur dans les duels. Pour dire les choses, j’avais pas une grosse technique. J’étais assez besogneux. Du coup je misais sur mes qualité de combativité. Je me suis fait à la force du poignet comme on dit. Et puis bon, j’arrive d’un petit club du Sud qui s’appelle Alès.
Ça jouait à quel niveau Alès à l’époque ?
En deuxième division. C’était un bon petit club de D2. Qui évoluait depuis les années 30 en professionnel. Le club a disparu depuis une dizaine d’années environ suite à un dépôt de bilan. Comme souvent dans les petits clubs du sud, il manque de l’argent dans les caisses. Et à l’époque à Alès, il y avait Jean Sadoul qui était à la fédé, qui était originaire d’Alès comme moi et qui présidait le club. J’ai commencé dans les catégories de jeunes. Et j’ai gravi les échelons un par un pour arriver en équipe première. Et à l’époque j’avais un lien particulier avec le coach du club, Léonce Lavagne. Un grand monsieur, qui a disparu depuis.
Et vous vouliez absolument devenir pro ? C’était un rêve de gosse ?
Ouais depuis tout gosse, je rêvais de finir pro. J’avais un père qui baignait dans le foot. Qui a joué à un niveau amateur. Attention, à un bon niveau ! Le football, c’était dans ma culture. J’ai été éduqué à ça. Quand j’étais môme, j’allais voir mon père jouer, j’étais jamais loin d’un terrain de foot.
Revenons sur l’époque où vous jouez au Stade Rennais. L’année où vous montez en D1, en 95. Vous avez connu un certain Sylvain Wiltord, qui commençait sa carrière et qui a fait une saison de cochon. Il était comment Sylvain à la ville ? On parle quand même d’un mec qui a marqué dans une finale de l’Euro..
Ah Sylvain.. C’était un vrai buteur, il sentait le but. On avait une attaque de feu quand on est remonté cette année-là avec Rennes. Devant on avait Pierre-Yves André et Sylvain.
Deux grosses gâchettes. On avait aussi un bon milieu de terrain avec Jocelyn (Gourvennec) qui organisait le jeu. Bref, il y avait pas mal de talents dans cette équipe. Et chez Sylvain, on sentait déjà cet énorme potentiel.
Et en dehors Wiltord, c’était déjà un gros fétard ?
Ah ça, il savait fêter les victoires ! On en a fêté quelques-unes. Mais bon, on avait dix ans d’écart avec Sylvain. On était pas de la même génération. Mais au-delà des fêtes, il nous a souvent « dépatouillé » sur des matchs chauds. Il l’a mettait au fond quand il fallait. On avait une belle attaque. C’était pas le Rennes d’aujourd’hui, ça poussait fort !
Olivier, vous terminez votre carrière à l’âge de 32 ans. Vous vous pétez les croisés…
Ouais, ça c’était un coup dur. Une vraie malchance. En plus j’ai eu cette blessure en fin de saison, et en fin de contrat. J’ai mis des plombes à me remettre de cette blessure, parce que j’ai essayé d’autres techniques pour ne pas me faire opérer. Je pensais rebondir vite. Mais finalement, je suis passé par l’opération et j’ai perdu carrément une année. Donc après vous savez comment c’est, vous vous faites oublier…
Le téléphone sonne plus ?
Ouais, c’est ça ! Alors j’avais la possibilité de rejouer en national, mais au bout d’un certain temps, j’y croyais plus. Au fond de moi je savais que c’était fini. C’est des sales moments, terminer sa carrière là-dessus… En même temps, ça m’a forgé un mental. Vous savez, quand on est blessé, au chômage… Faut être costaud dans la tête.
Comment vous faites pour tenir le coup durant cette période ?
La famille, les proches sont là. Mais je me suis senti très seul. C’est jamais facile. En même temps, à l’époque, j’ai rencontré des gens qui avait d’autres soucis que moi. Bien plus graves. Quand je suis allé en rééducation à Cap-Breton, j’ai vu des gars qui allait là-bas pour tout simplement réapprendre à marcher. Alors quand j’entends mes joueurs qui se lamentent parce qu’ils ont un petit bobo à la cheville.. Ça me fait sourire. A Cap-Breton, le mec qui était dans ma chambre, il avait eu un grave accident de moto. Pareil, un sportif de haut niveau comme moi.
Il était à sa trentième opération. Moi, qui me plaignait de mes petits soucis, ça m’a calmé.
Et une fois la carrière terminée, vous vous êtes demandé longtemps ce que vous alliez faire après ? Il y a des footeux qui changent totalement de registres, qui deviennent concessionnaires auto, ou qui ouvrent un bar-tabac… Vous, c’était entraîneur ou rien ?
Non, non je me suis posé la question. En même temps, le milieu du football étant ce qu’il est, un milieu à part. Et qui ne correspond pas toujours à mon caractère, j’ai un peu tâtonné. Mais j’ai tout de même passé mes diplômes d’entraîneur très tôt. Même avant la fin de ma carrière, j’avais la possibilité d’être dans un staff, parce que j’avais mes diplômes. Mais je cherchais aussi à sortir du milieu du foot. À faire autre chose. J’ai pas mal d’hobbys, dont l’art. J’aime bien l’art. Mais bon, l’art, il faut savoir en vivre et puis, j’avais pas de formation non plus dans ce domaine.
De l’art ?! C’est pas commun dans ce milieu, dans mon souvenir il y a Canto (Eric Cantona) qui peignait..
Je suis peintre amateur. Quand j’étais joueur, entre deux entraînements, j’ai découvert la peinture. Hélas depuis que je suis coach à Dijon, j’ai beaucoup plus de mal à trouver le temps pour peindre. En plus je peins sur des formats très grands, alors bien sûr, ça demande du travail. J’ai même monté quelques expos. Ça me permet de relâcher la pression, et à la fin de ma carrière ça m’a permis de baigner dans un autre milieu que le foot, de rencontrer d’autres gens. Il y en a pas mal dans le foot qui font de la peinture. Mais bon, on est pas des grands artistes. On peint à notre niveau. C’est du loisir. À Perpignan, j’ai même pris des cours du soir aux Beaux-Arts…
Vous avez commencé à apprendre le métier de coach à l’étage inférieur, en CFA. Vous avez entraîné les réserves d’Alès, du Nîmes olympique, et de l’Estac… C’est au contact du monde amateur qu’on apprend à tenir un vestiaire et qu’on gagne une âme de compétiteur ?
Oui c’est une bonne expérience la CFA. Je voulais d’abord passer par les équipes de jeunes. Au niveau des diplômes, j’ai aussi passé des examens pour être directeur de centre. J’ai été directeur du centre de formation de Nîmes. C’est un bon apprentissage. Le centre de formation, c’est aussi un laboratoire d’idée. On peut essayer des choses, tester des schémas de jeu sans prendre de risques énormes sur le plan sportif. Moi, j’ai beaucoup appris dans le football amateur avec les jeunes. J’ai appris aussi à travers des expériences qui sont pas toujours dans un CV. Je me suis aussi occupé à l’UNFP des chômeurs du foot durant deux saisons.
Là, il doit y avoir pas mal d’« humain » ?
Ouais, c’est sûr. Quand vous vous occupez de joueurs pro qui n’ont pas de contrat. Qui ont parfois le moral dans les chaussettes. C’est pas simple tous les jours. Au départ du stage les mecs ont pas mal d’espoir. Mais quand les championnats démarrent, ça devient difficile dans les têtes. Les gars voient que ça démarre sans eux, ils sont plantés sur le quai de la gare. Donc il y a un gros travail psychologique. Il faut aussi les maintenir en forme au cas où un club voudrait les signer… J’ai même eu l’occasion de faire une tournée aux États-Unis avec ces joueurs chômeurs pour tenter de les vendre là-bas en MLS.
Et c’était quel type de joueurs parmi ces chômeurs à l’époque ?
Il y a de tout. Des jeunes, des vieux. Bon lors des stages à l’UNFP, on voit surtout des joueurs anonymes. C’est pas des grandes stars. De toute façon, quand il y a des bons joueurs, ces joueurs-là trouvent un club. Je me souviens à l’époque, je m’occupais de Cédric Barbosa. Lui, il est pas resté longtemps. C’est un garçon qui avait de grosses qualités. Mais le plus souvent quand t’es joueur au chômage, c’est que tu as été longtemps blessé et que tu reviens doucement. Ou alors tu es un jeune joueur qui a eu quelques touches avec des clubs pro, et qui attend le bon projet pour percer.
J’imagine que quand on s’est occupé de joueurs au chômage, ça doit agacer le comportement de diva de certains de vos joueurs ?
Oui, c’est clair, depuis que j’entraîne le DFCO, on a mis les points sur les i avec certains. Mon rôle, c’est de gérer les égo et parfois de dégonfler les têtes. Les joueurs doivent comprendre la chance qu’ils ont de jouer. Moi-même j’ai vécu certaines choses qui me permettent aujourd’hui de leur faire passer ce message. Quand j’étais joueur, entre mon passage à Perpignan et celui à Rennes, j’ai connu deux mois de chômage. Les joueurs doivent comprendre que dans le foot, rien est acquis. Tu peux vite te retrouver avec plus rien devant toi.
Le chômage dans le foot. C’est un peu le revers de la médaille du foot business ?
Oui, complètement. Et ce monde du chômage, les journaux ne titrent pas dessus. Il peut y avoir de la détresse financière dans le milieu du football.
Il y a notamment l’exemple de joueurs qui terminent totalement ruinés, et endettés ?
Alors ruiné, ça c’est un peu une image qu’on donne. Bon, il y a des exemples célèbres de joueurs qui se sont fait arnaquer, ou qui finissent ruinés, comme Bellone (Bruno Bellone). Mais bon, ces mecs-là ont amassé pas mal d’argent, et s’ils se sont fait arnaquer, c’est une chose. Mais après, il y a quand même pas énormément de joueurs qui finissent à la rue. Moi j’en connais pas.
Et dans un club comme Dijon, on peut sentir qu’il y a quelques fois de mauvaises fréquentations autour de certains joueurs ?
Des mauvaises fréquentations, il y en a partout. Il y a des gens qui gravitent autour des joueurs. Quand il y a un peu d’argent, tu auras forcément des gens attirés par ça et qui vont se dire ami avec tel ou tel joueur. Tu as aussi les agents. Chaque joueur a un agent aujourd’hui. Et quand tu as le mauvais agent, tu peux perdre gros.
En parlant d’agents, au mercato cet été, vous avez laissé partir un paquet de joueurs. Pour quelles raisons ? Pour les laisser continuer leur carrière, ou dégraisser la masse salariale ?
Pour un peu toutes ces raisons. On a eu des demandes de joueurs qui voulaient partir. On a eu aussi le cas de joueurs qui voulaient rester, mais qu’on ne souhaitait pas garder pour des raisons sportives ou extra-sportives. Bon, et puis on a pensé aussi qu’on atteignait une fin de cycle.
Vous arrivez au club en 2010 comme membre du staff Carteron. Vous avez donc connu la montée, même si lors de l’unique saison du DFCO en Ligue 1, vous êtes nommé à la tête du centre de formation… C’était comment la Ligue 1 sérieusement ?
C’était une incroyable caisse de résonance pour le club. C’était fantastique. Et avant la montée en Ligue 1, on a connu une saison aboutie sur tous les plans. J’ai vécu directement la montée avec le club. On avait fait une très grosse saison. On avait une belle équipe, avec un noyau solide de bons joueurs. Même si on a empoché notre billet pour la Ligue 1 dans les dix derniers matchs. C’était pas une montée programmée. Mais je me souviens d’une belle ambiance au sein du vestiaire. Quand les victoires s’enchaînent, ça galvanise tout le monde.
Et avec le recul. Vous, qui avez connu la Ligue 1 comme directeur du centre de formation, qu’est-ce qui a manqué au DFCO pour se maintenir ?
On a pas réussi à accrocher le maintien, mais on savait que ce serait difficile. Faut se rappeler que c’est la première expérience du club parmi l’élite. L’idée première, c’était de garder un maximum de joueurs au mercato d’été pour pas briser la dynamique de la montée, et je pense que sur les six premiers mois, ça a plutôt pas mal fonctionné. Mais on s’est planté sur le mercato hivernal. Beaucoup de joueurs sont arrivés, et très peu sont partis. On s’est retrouvé avec un effectif de plus de 30 pros. Donc il y avait des mécontents. Je pense que c’est la gestion de l’effectif qui a posé problème. Après en interne, il s’est sans doute passé des choses entre le président et Patrice Carteron. Le manque d’entente au sein du club, le mercato problématique ont fait que l’équipe s’est écroulée.
Et vous dans la gestion d’un vestiaire. Vous êtes du genre virulent ? Vous poussez des gueulantes ? Ou vous êtes alternativement good cop/bad cop ?
Moi je suis avant tout nature. Mais si je sens qu’un truc ne va pas avec mes joueurs, je suis capable de monter dans les tours aussi. Mais je vais pas me forcer. Je reste authentique dans mon management. Que ce soit individuellement ou collectivement, je mise sur l’authenticité. Et surtout sur le respect. Il y a beaucoup de respect entre le staff et les joueurs. Mais s’il y a des manques à ça, j’interviens. Il m’est arrivé de mettre des joueurs à l’écart, de leur dire qu’ils ne faisaient plus partie du projet s’ils ne changeaient pas immédiatement d’attitude.
Et il y a des joueurs qui font des écarts extra-sportifs ? Des écarts qui finissent par miner la vie du groupe ?
Oui certains ont eu des écarts de comportement qui ont eu des conséquences sur la vie du groupe et qui ont discrédité le club.
Le problème, c’est qu’il y a des joueurs qui pensent qu’ils vont passer inaperçus, alors que Dijon, c’est une petite ville. Tout se sait ! Un joueur de football, bon… Suffit qu’il ait une voiture un peu différente des autres, et patatra ! Enfin surtout quand ils étaient en Ligue 1, c’était le cirque avec les voitures, là ça s’est calmé.
Oui, on se rappelle de Brice Jovial cueilli sur la rocade sans permis au volant de son bolide ?
Ah mais oui, il y a eu cette histoire, c’est vrai. Mais bon, il y a pas eu mort d’homme! Et puis c’est du passé, c’est oublié…
Oui c’est du passé, vous allez bientôt aller dans son restaurant en Chine ?
(Rires) Oui, c’est ça ! J’irai dans son restaurant pour manger du canard laqué. Mais pour revenir au phénomène de rouler sans permis, c’est pas propre aux joueurs. On voit ça partout. De toute façon, aujourd’hui on peut acheter son permis sur internet.
Bon, revenons à nos moutons. La saison dernière, vous finissez à la quatrième place avec le DFCO, vous manquez le coche de peu. Après un début de saison magnifique, vous vous écroulez complètement au mois de janvier. A quoi est due cette fin de saison gâchée ?
À plusieurs facteurs. Sur les six premiers mois, je pense qu’on était en surrégime. On a souvent eu les trois points sur des matchs étriqués, qui ont tourné en notre faveur. On était béni des dieux. Avec pas mal de 1-0, on s’est vite retrouvé en tête. Les résultats étaient un peu en trompe-l’oeil. Ça les gens ne le comprennent pas. On aurait dû être au top sur l’ensemble de la saison pour eux. Il aurait été préférable qu’il n’y ait pas eu de mercato d’Hiver. Au mois de janvier on perd Phillipoteaux, transféré à Lorient. On perd Tavares parti à la CAN. Deux joueurs influents. Au mercato, il suffit que les joueurs voient leur nom cité dans la presse et ça les perturbe. Phillipoteaux, son départ n’était pas prévu. Mais bon je pense que pour le président, il y a des offres qui ne se refusent pas.
Vous craignez une nouvelle saignée au mercato d’Hiver ?
On ne le souhaite pas. Et je pense que le président non plus. Il y a quand même un objectif avoué qui est la remontée cette saison. Mais ça fait partie du jeu. Il y a des joueurs qui sont pas insensibles à des offres à l’étranger, ou en Angleterre. Donc il y a toujours un risque de perdre un ou deux éléments.
Vous avez parlé de Julio Tavares… C’est un peu votre homme de base en attaque (10 buts et 8 passes la saison dernière). Est-ce qu’on l’a pas vu un peu esseulé sur le front de l’attaque ? Et quels sont les autres joueurs capables de se montrer efficaces ?
On a des joueurs qui sont capables de construire et d’amener ce ballon dans les 18 mètres. Après pour être vraiment un tueur dans la surface adverse, et se transformer en vrai buteur, c’est pas simple. En ligue 2, des renards des surfaces, des vrais buteurs, il y en a pas. Nous, dans notre équipe, on a pas ce profil. Du coup, on essaye de construire et de développer le jeu de Tavares ou de jeunes joueurs comme Béla ou Thiam. Des joueurs qui apportent beaucoup, mais qui ne sont pas de véritables buteurs. Si vous regardez bien la Ligue 2, il y a moins de buteurs cette années. Parce qu’un joueur qui marque une quinzaine de buts part très vite en Ligue 1. Prenez Andy Delort par exemple, quand on est aussi fort, et qu’on marque beaucoup de buts en Ligue 2, on est rapidement repéré et très vite on joue en Ligue 1.
Vous avez des buteurs cette année, mais ils jouent en défense. Par exemple Christopher Jullien qui a été élu joueur du mois de septembre. Quel beau joueur ! Il a une belle relance, il est présent dans les duels, il marque des buts. Est-ce que ça vous surprend l’ascension éclair de Jullien ?
C’est un joueur qui est en prêt chez nous. On est allé le chercher à Fribourg. Et c’est un joueur qu’on suit depuis longtemps, on le connaissait avant son passage à Friboug. Parce qu’il jouait à Auxerre. D’ailleurs, c’est un garçon qui a même marqué contre nous en Coupe de la Ligue. C’est vous dire si on avait déjà repéré son fort potentiel. Après on a eu des échos sur un éventuel prêt. Fribourg, il voulait plus y rester. Ça faisait deux ans qu’il était là-bas, il ne jouait quasi jamais. Après c’est un garçon qui a progressé. Qui a progressé mentalement. Et qui a trouvé une certaine rigueur lors de son passage en Allemagne. Il nous a donc intéressé, mais attention ça reste un pari. Mais un pari qui s’avère payant. On lui a donné notre confiance, il est en train de nous le rendre.
C’est un leader de vestiaire Jullien ?
Non, Christopher n’a que 22 ans. Il n’a pas encore la légitimité pour prendre la parole auprès de ses partenaires.
Le joueur clé du vestiaire, celui qui a le plus de maturité, c’est Frédéric Sammaritano. On avait besoin de cette expérience du haut niveau. On cherchait un profil comme Fred cet été, c’est ce qui nous a manqué la saison passée. On manquait de leadership.
On l’a un peu trouvé avec Sammaritano et à sa manière avec Quentin Bernard, l’ancien Niortais. Qui est blessé actuellement.
Il n’y aura pas de cadeaux non plus lors du derby contre Auxerre. (rappel : interview réalisée en novembre 2015, ndlr) C’est bientôt, comment vous préparez ce match pas comme les autres ?
Oh, on fait pas une fixette sur ce match. Même si dans la têtes des dijonnais, le derby sera très attendu. Pour nous, c’est un match qui peut rapporter 3 points, rien de plus. Aujourd’hui, on devient exigeant avec le DFCO, si je me souviens ne serait-ce qu’il y a 3 ou 4 ans, Dijon ne battait pas Auxerre. Aujourd’hui, on a inversé la tendance.
Dans les bars de la ville, on sent un engouement autour de votre équipe. Le DFCO est premier aussi dans les conversations. Certes l’engouement est circonstanciel, du fait que vous soyez devant. Mais il y a de nouvelles attentes, vous le sentez ça ?
Oui, et on sent aussi qu’on a pas trop le droit à l’erreur. J’entends des gens qui disent : « de toute façon, ils feront comme la saison dernière. Ils démarrent bien, mais ils s’écroulent vers la fin ». Ça, on nous le rabâche tout le temps. Après les commentaires, ça compte. Mais j’ai pas le temps de m’arrêter là-dessus. Et puis c’est très changeant, il suffit qu’on fasse un bon match, les gens nous voient trop beaux, puis le match d’après, on perd et là c’est « ils sont nuls ! ». Et je dis souvent à mes joueurs qu’une saison n’est jamais linéaire.
Il y a une dizaine d’années, Rudi Garcia était assis à votre place. Aujourd’hui, il est en tête de la Série A avec Rome. Ça vous dirait un parcours à la Rudi ?
Vous savez, il me reste deux ans de contrat avec le club. Et je suis très bien ici, je me projette pas trop. Et puis dans le foot, tout va très vite. Et je suis très tributaire des résultats de mon équipe, si la machine s’enraille, je peux très bien sauter dans 5 matchs. Mais ici ce qui me plaît, c’est le projet. Le club progresse sur tous les plans. Et je ne parle pas que de l’équipe une. Je parle des structures, du centre de formation, des équipes de jeunes, du stade, le DFCO a beaucoup grandi et continue de grandir. Ici, il y a un vrai projet qui s’inscrit dans la durée, et c’est ce qui m’intéresse.
Et parmi les top entraîneurs en Europe, il y en a un qui vous inspire ?
Non, j’ai pas vraiment de référent maître, par contre je regarde beaucoup ce qui se fait ailleurs. Mais pas que dans le foot. Par exemple en matière d’organisation, l’équipe de Nouvelle-Zélande de rugby, c’est très fort. Il y a matière à s’inspirer. Après je regarde beaucoup la façon de travailler d’autres coachs. Il y a Jurgen Klopp qui me plaît beaucoup dans sa manière de communiquer avec ses joueurs. Son parcours peut faire rêver, il vient du monde amateur et il joue une finale de Champion’s league quelques années plus tard. Après il y a aussi un gars comme Wenger. Comment peut-il rester 15 ans au plus haut niveau ? C’est une vraie question ça. C’est que l’homme a beaucoup de qualités.
Vous débarquez à Dijon grâce à quelques contacts au club, notamment Patrice Carteron. Vous vous plaisez dans la région ? Vous êtes installé dans le coin ?
Je suis tombé sous le charme de la ville. Dijon est une ville très accueillante et riche par son patrimoine. Il y a un cadre de vie intéressant. Tous les joueurs qui viennent de l’extérieur me le disent. Les alentours sont pas mal aussi, la côte a beaucoup d’attraits, moi qui fait un peu de moto, je fais de superbes balades dans les vignobles. Dimanche dernier, j’étais en vadrouille. Ensuite, on a goutté du bon vin. J’ai appris à aimer le Bourgogne ici.
A Nîmes, il y a le Costière ?
Oui, mais ça n’a rien à voir. J’ai fait déguster du vin du Sud à Stéphane Jobard qui est un bon bourguignon, il m’a dit : « ça me fait mal aux gencives ». (rires) Bon, et puis à Dijon, on mange bien. Il y a de très bons restos. Et puis moi j’habite au-dessus du Lac Kir, j’ai une très belle vue sur la vallée. Par contre, ça manque un peu de soleil. Et il y a toujours un épais brouillard en automne.
Pour le soleil, il faut retourner aux Émirats alors ? (Olivier Dall’Oglio a été sélectionneur adjoint des Émirats Arabes Unis, ndlr)
Là, il y en avait trop. C’est le sable du désert, il y a pas un brin d’ombre.
Vous êtes resté en poste aux Émirats un an ?
J’y suis resté huit mois, et c’était intense. Une super expérience. C’était vraiment une autre culture. Vous parlez anglais, et puis vous entraînez une sélection. Ça n’a rien à voir avec le calendrier ou l’organigramme d’un club. J’étais sélectionneur adjoint. Et puis bon, c’est surtout incroyable pour les pays visités. Là-bas, on joue pas contre la Belgique ou la Suisse. J’ai eu l’occasion de visiter Oman, la Malaisie, d’aller en Iran et puis en Corée du Nord, donc bon… Il y en a pas beaucoup qui vont en Corée du Nord.
Pas beaucoup qui en reviennent aussi ?
(Rires) Oui, c’était ma grande peur. Parce qu’une fois que tu y es, ça va, mais tu sais pas ce qui peut t’arriver. Non mais sans rire.
Dans ces matchs joués au bout du monde, il y avait une dimension sportive intéressante, mais avant tout une dimension culturelle. Après là-bas, c’est une autre mentalité. Les joueurs des Émirats sont des bons joueurs, mais ce sont des joueurs qui courent pas beaucoup. Ils font pas les efforts. Bon, il faut reconnaître qu’il fait extrêmement chaud. Mais c’est aussi des joueurs qui n’ont pas besoin de travailler, ils sont déjà riches. Chez les U19 des Émirats, quand ils sont devenus champions d’Asie, ils ont eu en cadeau un appartement chacun à Dubaï. Le meilleur buteur de la sélection que j’entraînais se faisait offrir une Porsche ou une Ferrari parce qu’il était le meilleur buteur.
Faudrait en parler à Olivier Delcourt et importer ça ici ?
Oui, il essaye de voir avec Citroën ce qu’il peut faire. (Rires).
Une Xsara en guise de prime pour chaque joueur ?
Oui, pourquoi pas, c’est pas mal une Xsara déjà.
Une dernière question pour la route. Vous êtes en lien avec les ultras dijonnais, les Ligon’s Boys ?
Oui, je connais les responsables des groupes de supporters. Déjà un peu pour les aiguiller, parce qu’il y a parfois des dérapages. C’est vrai que lorsqu’ils chantent dans les gradins, ça aide vraiment. Mais c’est pas parce qu’on fait trois passes derrière qu’il faut se mettre à siffler. Après c’est des jeunes, ils ont besoin de grandir. Dijon, c’est pas Lens. Qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, à Lens, les supporters sont toujours derrière leur équipe. Les mecs sont pas contents quand ça perd, mais ils restent fidèles. À Dijon, on a plus un public de spectateurs. Ils viennent nous voir gagner. Et je pense qu’ils peuvent être assez content, parce qu’on gagne beaucoup. Alors en janvier, quand ça perdait, c’était la déferlante, on avait plus besoin du soutien de nos supporters que de critiques et ça été l’inverse, ça partait dans tous les sens.
Bah faut gagner le derby !
Ouais, c’est ce qu’on m’a dit. Si tu gagnes le derby, tu dormiras tranquille.
– Propos recueillis par Julian-Pietro Giorgeri
Photos : Louise Vayssié
Entretien réalisé en novembre 2015