Le retour de Justice, on l’attendait pas, et puis un jour, comme ça, on a vu une croix immaculée d’on ne sait trop quoi un peu partout sur internet. Cinq ans après leur dernier album, le duo electro parisien composé de Xavier de Rosnay et Gaspard Augé n’a pas changé. Physiquement, en tous cas. Musicalement, ils ont évolué, grandi, et reviennent avec Woman, à qui on dit oui.

En 2007 ils incarnaient la nouvelle French Touch, l’electro qui tâche et qui tape pour gamins en mal de sensations, pour provinciaux qui n’y connaît encore pas grand chose à la vie, à la musique, mais qui reconnaît en Justice un duo de prophètes venus annoncer la déferlante des BPM qui allaient leur tomber dessus pour les années à venir. On a grandi avec leusr rythmes percutants et leurs beats anxiogènes ; “on”, la génération des 90’s pour qui « D.A.N.CE » et « We Are Your Friends » sont des hymnes de notre adolescence. Ed Banger, c’était la référence cool des labels, celui qu’il fallait suivre, celui qui rendait hystérique à la moindre sortie. Et puis la magie s’est un peu diluée, leur temps est un peu passé.

Quasiment dix ans plus tard, ils sortent leur troisième album sur ce même label qui les a propulsés et s’associent à Because Music, signe de leur tournant résolument plus pop, et de leur maturité artistique. Après une grande réticence à l’écoute de cet opus, on a lancé Spotify -comme d’hab’- et on n’a finalement pas été déçu du tout.

Woman s’ouvre sur un magistral “Safe & Sound” qui semble signifier qu’on sera en sécurité à l’écoute de l’album et de ses neuf autres titres, et dans ses accords disco-funk, c’est l’esthétique de Bon Voyage Organization à laquelle on est ramené, comme pour confirmer l’annonce d’un voyage musical de qualité. “Pleasure”, qui suit, tel un manifeste de la jeunesse et ses valeurs, est une aspiration au plaisir innocent et à la joie débridée, le genre de tube que tu chantes à tue-tête l’été (et qui peut aussi vite te saouler une fois le mode repeat enclenché).

Tout comme “Randy” et “Love S.O.S” qui, en soulignant nos problèmes de métrosexuels libérés & désabusés, nous soufflent un vent d’amour & un non à la vie morose. Au troisième morceau, on est jetés dans les souvenirs d’une italo-disco avec laquelle on passerait bien sa vie, souvenir d’un “Life With You” de The Expansives, si exquis. Et ça continue ! Les références aux styles musicaux qui les passionnent n’en finissent plus. À l’exemple de “Stop” dans lequel on aurait failli entendre Nine Inch Nails, ou encore ’“Heavy Metal”, qui oscille entre des sonorités rock, une toccata de Bach et l’atterrissage d’une soucoupe volante.

Parce que oui, ce dernier album de Justice c’est un peu un OVNI musical. On sait pas vraiment d’où il provient, mais on sait de qui il tient. Entre pop sucrée, rock revisité, italo-disco actualisée, Woman a le groove des tubes disco-funk ultra prisés et s’ouvre en douceur vers l’au-delà dans un morceau final raffiné.

Un troisième album qui confirme une chose : Justice a, malgré tout, son style bien particulier, cette pâte indéfinissable (certainement ces montées étouffées précédant des drops éclatants, libérateurs d’énergie) qui les feraient reconnaître par milliers. Pourquoi “Woman” ? Parce qu’à travers leurs morceaux un peu plus longs que d’habitude, ils ont voulu rendre hommage à la création, célébrer la puissance, mais aussi embrasser la délicatesse. Justice accepte enfin sa part de féminité sans stress. Et c’est plutôt chouette. Va donc écouter ça, même s’il n’y aura qu’une fois.

– Léa Singe
Photo : DR