Le 10 décembre dernier, à quelques jours du match contre Nantes, on a pris le temps de discuter avec Grégory Coupet. Une immense carrière de gardien de but, de nombreux trophées avec Lyon et l’équipe de France. Il est désormais l’entraîneur des gardiens à Dijon. Et même un peu plus que ça. Rencontre avec un mec aussi souriant qu’avenant. Un vrai mec cool qui est arrivé il y a 6 mois au club, qui depuis a vu ses deux gardiens et son entraîneur partir, et le DFCO être bon dernier de ligue 1… Ça va Greg ? 

On a l’impression depuis 2-3 matchs que l’équipe montre un autre visage, est-ce qu’il y a eu un électrochoc ? (ndlr, depuis cette interview  Dijon a fait nul contre Nantes, et s’est incliné 1-0 contre Lille mercredi).

Non, on essaye de mettre des choses en place, d’amener un discours par rapport à des données tactiques plus simples. On s’adapte à un groupe qui, je pense, a besoin de choses simples pour pouvoir s’exprimer…

C’est peut-être aussi parce qu’ils se connaissent peu ? 

C’est ça. Chaque préparation est faite pour que les joueurs prennent beaucoup de temps ensemble. Malheureusement, avec le covid il y a toute cette préparation vestiaire, cet apprentissage des uns et des autres qui n’a pas pu se faire. Et finalement, au bout des deux mois de préparation, on change 50% de l’équipe… (soupir). C’est du retard pris, et on n’a pas assez de joueurs avec des qualités individuelles suffisamment fortes, donc on est obligé de faire en sorte que les choses soient plus basiques, plus claires.

Il est en train de se sortir un 11 type, même si je n’aime pas parler de ça car on est un groupe de 25 joueurs. On essaye de trouver un système et on apprend encore à découvrir certains joueurs, à quels autres postes on peut les tester…

On va dire qu’on est dans une bonne période, c’est bien mais on est inquiet parce qu’on trouve qu’il y a tout de suite un peu de relâchement. Bien vivre c’est une chose, et la compet’ doit être ce qui doit mener un sportif de haut niveau. Et là c’est ce qui m’inquiète pour le match de Nantes (ndlr, score final : DFCO 1 – 1 Nantes).

J’ai l’impression qu’ici, dès qu’on respire un peu mieux, on a l’impression que tout va mieux. NON. On respire un peu mieux mais ça serait bien de bien respirer tout court. On reste dernier, ça doit être une grosse frustration, et là je ne la ressens pas avant d’aller à Nantes. 

Tu le disais toute à l’heure, finalement tu es arrivé, et quelques mois après les 2 gardiens que tu devais avoir sont partis, l’entraîneur est parti. Comment tu le vis ? 

C’est pas banal (rires). C’est dur, car c’est deux mois de prépa pour qu’au bout du compte… T’apprends à te connaître, te découvrir, tu te livres et puis le foot fait que tout peut changer d’un coup. Ça reste excitant dans le sens où il fallait trouver autre chose, donc avec Saturnin Alagbé et Anthony Racciopi, mes gardiens, c’est top parce que c’est des super mecs. 

Je connaissais pas bien Saturnin. C’est un gardien qui me ressemble. Il avance beaucoup, coupe des trajectoires, et il a une vraie capacité de meneur d’hommes. Et puis Anthony Racciopi, lui ça fait 4 ans que je le côtoie à Lyon donc je le connais. Stéphane Jobard (ex-entraîneur, ndlr) l’avait mis n°2 parce que c’est un jeune qui ne connaît pas la ligue 1. Mais il a prouvé au fil des entraînements qu’on pouvait lui faire confiance. Si je l’ai recruté ici, c’est que j’ai confiance en lui. Après, le décideur c’est le coach.

Comment se passe ton travail avec les gardiens, et notamment avec la hiérarchie ? Comment est-ce que tu les gardes motivés ? 

En donnant beaucoup de considération. Je fais toujours en sorte que le n°1 et le n°2 soient traités presque de la même manière… Pour moi le n°2 doit être prêt à jouer à tout moment, donc à partir de là il y a une gestion de la fatigue physique et mentale. J’ai aucun soucis avec les mecs, aujourd’hui mon gros travail va être avec Lévi Ntumba, qui est n°3, qui a 19 ans et qui peut être prometteur s’il s’en donne les moyens.

Est-ce que tu fais la même séance pour les 3 ou tu adaptes à des problèmes spécifiques ? 

Ça va être la même pour les 3 avec du « plus » pour le n°3. Pour le n°1 et n°2, les séances vont être orientées sur ce que propose le coach, donc je vais les faire travailler sur ce qu’il se passe derrière avec le groupe, plus un travail spécifique par rapport à l’adversaire. Et le n°3, il participe aux choses comme ça, ça lui permet d’être sensibilisé si jamais… En plus avec le covid, maintenant il faut être prêt à perdre un joueur du jour au lendemain.

On parle de ton boulot d’entraîneur des gardiens mais on a l’impression que t’es plus que ça… On a l’impression que tu joues le rôle de porte-parole et que tu pèses plus qu’un entraîneur de gardien lambda sur la vie du club. 

J’ai une carrière qui parle pour moi donc naturellement il y a des joueurs qui viennent me voir et me parlent de leur situation. Par rapport à ça j’essaie d’être un plus. À côté de ça j’ai mon ami David Linarès, on se connait par cœur donc on échange beaucoup (Coupet et Linares ont joué ensemble à Lyon, ndlr). Avec maintenant Jérôme (qui est l’entraîneur adjoint du DFCO, ndlr) qui est là, je suis comme un adjoint bis.

On s’est dit un moment que ça allait peut être être toi en adjoint, Jérôme n’avait encore pas signé… 

Oui mais c’est compliqué parce que j’ai envie de rester avec mes gardiens déjà, et ça j’y tiens. Maintenant, m’investir plus j’aurais tendance à dire que ça se fait déjà naturellement. Je pense qu’adjoint, c’est encore un autre rôle et entraîneur des gardiens c’est tellement particulier que je veux rester là dedans.

Et pour le futur ? 

Très sincèrement je pense que j’irai au bout de ce que je peux faire physiquement. C’est vrai que c’est très sollicitant d’entraîner des gardiens parce qu’il faut frapper tous les jours donc avoir une bonne condition physique. Mais bon, moi, j’adore. Je m’entretiens aussi, c’est un vrai plaisir. On va dire que tant que mon corps me permettra de le faire je resterai là-dessus.

Entraîneur, c’est compliqué. Franchement j’ai beaucoup d’admiration pour les coachs. Et c’est vrai que le fait d’être très attaché aux entraîneurs, peut être un investissement qui est un peu plus, mais ça reste très dur, les joueurs sont compliqués (rires).

Tu penses que c’est une question de génération ? 

Je pense que la génération y fait quelque chose. Mais j’aurais tendance à dire qu’à mon époque déjà je pense qu’on était des merdeux par rapport aux anciens, et donc aujourd’hui les jeunes sont aussi des merdeux par rapport aux anciens et ça c’est inévitable. C’est l’évolution de la société qui fait ça, des technologies et là vous savez de quoi je parle, les téléphones, réseaux sociaux… On est régulièrement en train de leur rappeler que le foot est avant tout un sport collectif et c’est souvent qu’on rentre dans le vestiaire et il n’y a pas de bruit, ils sont tous sur leurs téléphones. C’est incroyable, après un match normalement tu échanges sur ton ressenti avec tes coéquipiers, eux, tout de suite ils sont sur les réseaux sociaux et y’a pas vraiment d’échange sur le match. 

On parle des jeunes, vous avez visité le centre de formation de Saint Apollinaire ? 

Oui, magnifique. C’est chouette de pouvoir se projeter comme ça et de le voir sortir de terre. On nous a expliqué un peu comment allaient être placés les équipements, la salle de muscu, nos bureaux… C’est super excitant. J’ai l’impression de me retrouver à Lyon. Ça sera un pas énorme, donc ça serait top que ça se fasse en ligue 1. On y croit mais ça ne sera pas facile.

Le foot sans public c’est comment pour toi ? 

Très sincèrement en tant que coach, on espère le retour du public pour mettre une pression à nos joueurs parce qu’aujourd’hui c’est complètement aseptisé. Pour moi c’est un manque de pression énorme. Le public, c’est un douzième homme pendant un match mais c’est aussi une pression supplémentaire de se dire «là on est regardé». Aujourd’hui les joueurs sont tranquilles, pendant le match, après le match. Ça manque, cette pression. À Dijon c’est un beau petit stade, avec une vraie fierté, donc on ne remplira pas 50.000 personnes, mais ce qui est là, c’est bien et ça nous manque. 

Si on parle d’autres choses que le foot, là tu débarques à Dijon, nouvelle ville, nouvelle vie, ça se passe bien ?

Petite ville, magnifique. Je viens du Puy-en-Velay, j’ai connu Saint-Etienne qui est une petite ville un peu comme Dijon. Après j’ai fait du gros, Lyon, Madrid, Paris. Mais revenir dans une petite ville comme ça, avec cette atmosphère, c’est génial. Je rencontre que des gens trop sympas… J’aime cette fierté qu’ils ont d’avoir une région avec du très bon vin.

T’as pris le temps de sortir un peu ? 

Avec ma femme on est très restau et c’est vrai que c’est une régalade. C’est pour ça que j’étais solidaire avec les copains qui ont manifesté sur le fait qu’ils étaient en train de mourir à petit feu (les restaurateurs, ndlr) et donc je comprends leurs soucis.

  • Chablis Winston et Julian Marras // Photo : DFCO/Vincent Poyer