5 doctorants vacataires en sociologie à l’université de Bourgogne à Dijon sont en grève depuis le 23 novembre et pour une durée indéterminée. Leurs revendications ? Simplement avoir une paie régulière et une ouverture de poste, entre autres.

Pour faire simple, un vacataire, c’est quelqu’un qui vient donner ponctuellement des cours à l’université. Eux sont docteurs ou doctorants et doivent préparer leur thèse. Ils dispensent chacun 96 heures de cours par an aux étudiants en licence de sociologie à Dijon. «Pour nos dossiers (pour postuler à un poste de maître de conférence, ndlr), on doit donner des cours, première raison. Ensuite, ça nous forme pour un métier auquel on aspire. Ça nous fait sortir de la solitude de la thèse, et il y a aussi le côté financier», nous explique Florian*, l’un des cinq vacataires.

«On ne demande pas la lune, on demande un minimum»

Depuis le 23 novembre dernier, ils sont en grève pour plusieurs raisons. Les vacations sont rémunérées à l’heure à la fin de chaque semestre, «donc quand t’as besoin de bouffer en novembre, t’attends pas février d’être payé», dénonce Florian. Ils demandent tout bonnement la mensualisation de leur rémunération. Ils ont des emplois à côté qui leur permettent de subvenir tout juste à leurs besoins et de continuer leur thèse qui n’est pas financée. Mais ils ont tous connu des moments de galère financière. «Quand on demande cette mensualisation, on nous explique que c’est pour des raisons d’outils administratifs que c’est pas possible. Je crois qu’ils sont particulièrement de mauvaise volonté», enchaîne Florian. De son côté, Vincent Thomas, président de l’université de Bourgogne est désolé. «Je comprends leur mécontentement, et plus encore je le partage. Je ne suis techniquement pas en mesure de leur donner gain de cause. Je ne peux pas accélérer les choses, parce que je n’en ai pas la possibilité réglementaire et juridique. Si on nous trouvait un système pour les payer tout de suite, je le ferais (…) mais ces règles bureaucratiques m’en empêchent.» Qui est-ce qui l’a alors, cette possibilité, si même le président de l’université ne l’a pas?

Ensuite, pour pouvoir donner des cours, il faut que les vacataires s’inscrivent tous les ans à l’université. L’inscription coûte 500 euros alors que «c’est une condition sine qua non pour avoir le statut qui nous permet de donner cours. Donc on paie déjà l’équivalent d’un tiers de ce qu’on gagne en un semestre uniquement pour avoir le droit de donner des cours. Une de nos revendications, c’est l’exonération des ces frais d’inscription-là», poursuit Florian. Vincent Thomas ne trouve pas l’argument convaincant : «Toute personne qui prépare une thèse paie ses droits d’inscriptions sauf s’il a une bourse. De ce point de vue-là, les droits d’inscriptions, c’est le budget de l’université de Bourgogne-Franche-Comté et pas le budget de l’université de bourgogne.» Depuis 2015, les universités de Bourgogne et de Franche-Comté sont rassemblées mais continuent de fonctionner distinctement (c’est bien compliqué tout ça). Ensemble, elles coordonnent par exemple la culture scientifique, les actions à l’international mais aussi ces frais d’inscription qui posent problème.

Les vacataires de socio souhaitent aussi que l’université ouvre un poste d’ATER (attaché temporaire d’enseignement et de recherche) en sociologie. «La différence avec notre contrat, c’est les sous», débute Léon*, un autre des cinq vacataires. «En gros, en niveau de précarité il y a : le vacataire qui est tout en bas, ensuite t’as l’ATER qui est mieux – mais c’est encore un CDD – et ensuite t’es fonctionnaire, maitre de conf et là, la paie est complètement différente et c’est un poste qui n’est pas du tout précaire», renchérit-il. À la différence des vacataires, les ATER sont payés mensuellement, ils ont des congés payés et ne sont pas payés à l’heure. L’université manque de moyen pour ouvrir des postes. Les effectifs d’étudiants explosent. «Il y a aucun poste d’ATER ici, on ne demande pas la lune, on demande un minimum. Il manque l’équivalent de 5 postes ici pour fonctionner correctement», réplique Florian. Le nombre d’ouverture de ces postes d’ATER est limité par établissement. En sociologie, ça semble compromis. «Dans l’ordre de priorité, la fac de sciences humaines a demandé 15 postes, mais le premier poste d’ATER demandé par les sociologues a été classé 13ème par ordre d’apparition», argumente le président de l’université de Bourgogne.

«On a rencontré la présidence une fois ou deux, mais c’est comme pisser dans un violon»

Les revendications des vacataires semblent être impossibles à satisfaire. Mais ils sont déterminés à poursuivre leur mouvement de grève jusqu’à ce qu’ils aient des réponses suffisantes. L’ensemble des titulaires de sociologie les soutiennent «et ça c’est super parce que c’est vraiment pas le cas partout», apprécie Florian. Ils ont adressé un courrier au doyen et au président de l’université pour apporter leur soutien aux vacataires et ont aussi participé financièrement à leur caisse de grève. Ils ont également le soutien de leurs étudiants qui ont également rédigé une lettre au doyen. Pour faire réagir la présidence, les vacataires qui ont réussi à évaluer leurs élèves avant leur grève vont retenir leurs notes, c’est-à-dire qu’ils ne vont pas les communiquer à l’administration. «Il y a quelques jours, il a été décidé communément par les titulaires de nous soutenir et de retenir aussi les notes» explique-t-il. «On espère que la rétention des notes va vraiment plus faire réagir qu’un soutien écrit », ajoute Léon.

Ça paraît un peu fou que dans l’université française (Dijon n’est pas un cas isolé), on retrouve une vraie précarité de l’emploi, surtout au niveau de ceux qui dispensent des cours aux étudiants (on pourrait aussi faire un dossier sur les femmes de ménage en CDD…). Les universités, c’est devenu la jungle du travail ou quoi ? Et ce qui est encore plus fou dans cette histoire, c’est que personne ne paraît en mesure de répondre à leurs questions…

  • Florentine Colliat

* Les prénoms ont été modifiés