« Si j’m’appelle Jazzy Bazz, c’est parce que j’baise ta mère sur des cds de John Coltrane ». Voilà comment se définit le MC originaire du 18ème à travers cette punchline balancée lors d’un battle des Rap Contenders. Si vous ne connaissez pas encore Jazzy Bazz, sachez que le mec est un lyriciste de la rue, un jongleur de la langue française. Son premier album tant attendu est enfin sorti en indé sur son label Grande Ville Records. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le bail est chaud et de qualité. Analyse.

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Le rappeur d’origine polonaise s’est d’abord illustré avec son acolyte de toujours, Esso Luxueux, formant la Cool Connexion. Fils de jazzman, sa musique s’en retrouve logiquement influencée. Il a gagné en exposition depuis les Rap Contenders, tremplin de notoriété pour de nombreux rappeurs, puis avec son collectif L’Entourage. En totale auto-production depuis son EP Sur La Route Du 3.14 sortie en 2012, Jazzy Bazz avait tout les éléments pour faire parler sa créativité à travers ce premier opus.

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Bienvenue dans P-Town

Paname est le thème principal de son album, sa ville d’origine. Jazzy Bazz a Paris dans le cœur, il s’est d’ailleurs fait tatouer sa devise « Fluctuat nec Mergitur », pour lui montrer son amour incommensurable. Mais il n’omet pas pour autant le côté sombre de la ville lumière. Paris qu’il aime appeler la « 3.14 ville » en référence au signe π (d’où le nom de la galette, prononcez Pi-Town) car il estime que la ville est réductible à une suite de chiffres et d’algorithme. L’album démarre avec le titre éponyme, où son « Bienvenue dans P-Town » sonne comme une invitation à rentrer dans son univers. Ce morceau évoque les nuits parisiennes et ses dérapages. L’instru entraînante rappelle l’univers de la nuit, ajouté au mélange couplets rapés et refrain chanté. « 3h33 » évoque aussi la nuit parisienne mais avec beaucoup plus de douceur et un beat lancinant.

Il retranscrit également son vécu dans la capitale avec les morceaux « Le Syndrome », « 3.14 Attitude » et « Fluctuat Nec Mergitur ». Dans ce dernier, écrit à la suite des attentats du 13 novembre et sans tomber dans la dramaturgie, il rend hommage aux victimes avec subtilité et élégance : «J’aimais ton silence mais pas celui la, injustement tu refleuriras quand les bougies seront estompées». Ensuite, à travers «Ultra Parisien» le MC évoque son amour impossible pour le PSG, il aime ce club mais ne se retrouve clairement pas dans les choix de la direction. Notamment depuis le plan Leproux invitant les ultras à rester chez eux et regarder les matchs dans leur canapé. «C’est tendu, on chantait mais on n’était pas entendu/Tout notre amour pour le club, vous ne l’avez jamais rendu». Ils ont tué l’ambiance du Parc. 

Un album accompli

Concernant les featurings, ils sont peu nombreux. En effet, Yvan (son prénom) a invité son gars sûr de toujours Esso Luxueux sur le titre « 3.14 Boogie » dans lequel les deux rappeurs racontent leurs soirées en club (« Encore un verre/Si toi aussi tu connais ta limite : le coma éthylique »). La chanteuse hybride parisienne Bonnie Banane est également de la partie sur « Visions ». Et enfin, le Jazzy s’est offert un feat avec le talentueux américain Freddie Gibbs, s’il vous plaît, pour le track « Lay Back ». Une ode à la ride en vago dans la street, de LA à Paname. Fou.

Le reste de l’œuvre aborde des thématiques différentes avec «Joker», «Adrénaline» ou encore «Trompes De Fallope» qui évoque la séparation et les galères de l’amour. Morceau quasiment chanté tout du long contrastant avec par exemple «Le Roseau» où il pose avec une énergie folle, emploie un ton incisif chargé d’égotrip, chose rare chez lui. En lâchant punch sur punch, comme «J’suis tellement loin/J’suis nostalgique du futur»  ou «On se posera quand on aura une multitude d’argents, comme Eurostar en faisant tout passer sous la manche».

En peignant les différents états d’esprit qui règnent à Paris selon les lieux et les heures de la journée, Jazzy Bazz nous dresse un tableau intime mais complexe du quotidien parisien. Le rappeur nous fait voyager par sa mélancolie constante, tout en balançant punchlines délicieuses et jeux de mots raffinés. Bref, ce P-Town nous offre une obscure balade dans les rues de Paname par la vision d’un francilien convaincu et attaché à sa ville. Sans ces références, la musique du MC ne serait pas ce qu’elle est. Si tu ne connais que le côté joli carte postale de la capitale, va pécho cet album.

– Maxime Durand