La Recyclade : start-up du turfu

Depuis son ouverture, le 26 septembre 2017 à Dijon, la Recyclade fait les choses bien avec l’idée de considérer les déchets comme une ressource, régie autour des principes de l’économie sociale et solidaire. Ce “laboratoire social” se veut être une alternative et un contre-modèle à propos de la réutilisation des déchets mais aussi des modes de consommation actuels. Présentation d’une initiative innovante qui prend sacrément de l’ampleur. C’est Macron qui va être content.  

On est lundi. La Recyclade est fermée pour aujourd’hui mais les petites mains s’activent quand même en coulisses au 11 rue de Nuits-Saint-Georges à Dijon. Un ancien atelier qui a eu plusieurs vies, un peu comme les objets qui y sont collectés ici. La Recyclade est une boutique solidaire de 350m2 qui offre aux déchets ou objets indésirables une sorte de deuxième de vie. Soit par une vente immédiate sans retouche, ni customisation car jugés en bon état, soit par la création ou la retape d’objets à partir de ceux récupérés, ce qui fait la particularité du lieu. Tout ça se passe dans l’atelier, situé au fond de la boutique.

Parfois, il arrive que certains objets se voient conférer une autre utilité. Tu peux retrouver un hachoir à viande comme pied d’une lampe, par exemple. Ici, on rénove, retape, remet en marche, repeint pour en faire des objets utiles, vendus à bas-prix. Faut savoir que l’association ne rachète jamais rien de ce qu’elle récupère, elle considère uniquement les objets ou matières premières destinés à la “mort sociale”. En fait, la Recyclade, c’est un centre de réinsertion pour objets délaissés. L’endroit se veut créatif même si, pour le moment, le pourcentage des objets repensés et retapés reste encore assez faible par rapport à ce qui est proposé. En même temps, c’est le début, et cela n’a pas forcément une tâche aisée pour Frédéric Ramette, le fondateur de la Recyclade.

À maintenant 53 ans, Fred a roulé sa bosse dans plusieurs entreprises de l’industrie en qualité d’ingénieur. Il s’est retrouvé à l’arrêt après un licenciement économique et une dizaine d’entretiens sans lendemain, car trop qualifié ou trop spécialisé, c’est la cohérence du marché du travail, ça… Fatigué d’un monde qui ne voulait plus de lui, Fred a décidé de se lancer à fond dans ce projet qui portait “des valeurs qui résonnent en lui”. Avant tout, la mission de la Recyclade est de montrer que les déchets peuvent avoir une utilité et même être au coeur d’un projet économique viable. D’ailleurs, l’objectif final de tout ça est “d’investir et créer des emplois sûrs au service de cette mission pour assurer un modèle économique pérenne”. Pour le moment, ce sont 5/6 bénévoles à plein-temps sur un quinzaine et un service civique qui s’investissent à mort pour faire tourner l’asso. Que ce soit à la com’, à la vérification des objets avant revente, au tri des objets stockés, à la retape et la création des objets en atelier… Fred n’est pas tout seul même s’il consacre une soixantaine d’heure par semaine à cette activité. La bonne santé de l’asso lui permettra de devenir employé d’ici les prochains mois. Un premier emploi qui en appelle d’autres. Step by step comme on dit.

« Même quand je travaillais dans l’industrie, cette idée m’animait déjà, on veut constituer une alternative crédible notamment par rapport à l’enjeu des déchets qui pose problème, entre les niveaux d’enfouissements de plus en plus profonds ou encore les usines d’incinération qui sont de plus en plus pleines. »

Il a travaillé près de 2 ans et demi en amont, entre les mois passés sur l’ordi le nez plongé dans des articles, le fait d’avoir sillonné toute la France des recycleries de ce genre, mais aussi les démarches administratives, les recherches de financement… Fred s’est imprégné de tout ce qui se faisait pour mieux se propulser. “Même quand je travaillais dans l’industrie, cette idée m’animait déjà, on veut constituer une alternative crédible notamment par rapport à l’enjeu des déchets qui pose problème, entre les niveaux d’enfouissements de plus en plus profond ou encore les usines d’incinération qui sont de plus en plus pleines.” L’une des intentions de la Recyclade est de faire réfléchir sur les modes de sur-consommation actuels, de montrer qu’une autre façon de consommer est possible en essayant de lutter contre des phénomènes comme l’obsolescence programmée. Coucou l’iPhone. Il s’agit d’éviter la solution de facilité dans laquelle on se retranche souvent en général, à savoir : jeter quand ça marche plus et racheter. Un réflexe qui, d’ailleurs, permet de dorer toujours un peu plus les couilles du grand capital.

Plus solide et plus sur qu’un avion de la Malaysia Airlines…

Bluffé par la générosité des gens, il nous confie avoir déjà 6 garages pleins à craquer qui stockent les objets indésirables ou sur le point d’aller à la déchetterie. Pour la création de nouveaux objets, “tout se fait en fonction de l’inspiration, c’est de l’improvisation qui se marche en fonction d’un objet collecté, d’une fulgurance, on voit ça et on se dit : allez, hop, on va en faire ça”. Les objets confectionnés peuvent aussi résulter de commandes émises par des particuliers.

L’activité de la Recyclade ne se résume pas qu’à cela, l’asso organise parallèlement plusieurs évènements comme des ventes spécialisées à prix libre. Dernièrement, c’était celle de jouets pour enfants. Un beau et franc succès. Fred et sa bande envisagent d’organiser un événement de ce type une fois par mois. Faut savoir que pour acheter, il faut être adhérent car l’association n’a pas le statut ERP, établissement recevant du public. L’adhésion se fait à prix libre, là aussi. 

La Recyclade a mis en place des ateliers payants dont le but est d’inciter au bricolage et de rendre les gens autonomes : “On y explique comment fonctionnent les rouages d’une machine à laver ou d’un aspirateur par exemple, ou comment on répare un fer à repasser défectueux quand c’est possible.” De plus, l’association travaille avec des foyers sociaux du coin comme la SDAT ou le foyer du Mail, elle participe là aussi à des ateliers divers et variés. La Recyclade envisage d’ailleurs d’ouvrir une bricothèque, avant la fin de l’année. Ils y mettront à disposition des outils pour que les gens puissent emporter le matériel chez eux afin de bricoler. Elle est là, la plus grosse start-up du turfu.

• Mhedi Merini. 

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