Nouvelle sélection de 5 méthodologies d’épidémie et de confinement (et d’attente), pour tous les goûts. Confiné tout seul sans être seul, avec Le Horla de Maupassant. En couleur et en codex des arbres qui décident quand on est trop sur terre avec Zep, en Peste écarlate qui éclate en 2013 avec London. Vous avez le choix. 

Contagions –  Paolo Giordano (2020)

Contagions a été écrit dans l’urgence du début de l’épidémie en Italie, et du confinement, par Paolo Giordano. Considéré comme une intervention d’utilité publique par son éditeur, Le Seuil, le texte est en libre d’accès. La soixantaine de page s’applique à imaginer ce qu’induit le moment pour notre civilisation et notre humanité commune. Rien que ça. Giordano s’inquiète et espère à la fois. Les pages sont brûlantes. Qui n’a pas encore fabriqué son masque ? 

“Nous pouvons nous dire que le Covid-19 est un accident isolé, une disgrâce ou un fléau, crier que c’est entièrement leur faute. Rien ne nous en empêche. Ou alors, nous pouvons nous efforcer d’attribuer un sens à la contagion. Faire un meilleur usage de ce laps de temps, nous en servir pour méditer ce que la normalité nous empêche de méditer : comment nous en sommes arrivés là, comment nous aimerions reprendre le cours de notre vie. Compter les jours. Appliquer notre cœur à la sagesse. Ne pas permettre que toute cette souffrance passe en vain.”

Le Horla – Guy de Maupassant (1887)

Souvenirs de classe ? Le prof au tableau raconte. On s’en fout il fait beau. Mais quel temps fait-il en vous ? Le Horla nous guette tous, surtout au moment d’habiter tout le temps cet endroit inconnu : chez nous. Un texte habité de vides, de souvenirs, de solitude. Le fantastique du 19ème vit ses belles heures, Maupassant est un as de la discipline. Il écrit le malaise dans une nouvelle où il déploie des fantômes, des présences qui mettent la pression. 

“Tout le jour j’ai voulu m’en aller je n’ai pas pu. J’ai voulu accomplir cet acte de liberté si facile, si simple, sortir monter dans ma voiture pour gagner Rouen je n’ai pas pu. Pourquoi ?”    

Bah parce que tu es confiné et que tu n’as pas envie de te faire gronder par le préfet Lallement. (Il est partout)

The End – Zep (2017) 

Oui, Zep. Titeuf et tout. The End se la joue récit intime et de son temps, sur un air des Doors et tout en monochromie ocre, rose, bleu et vert. Rien de caricatural, mais Zep imagine dans cet album, un codex des arbres, capable de réguler la population mondiale quand elle nuit à la planète. Comme quand 2 randonneurs et 32 habitants d’un village meurent subitement et simultanément au début. The End n’est pas seulement une tribune écolo, c’est un vrai thriller. La classe du slip, Zep. 

“Et nous avons peut-être appris l’essentiel… / … Nous ne sommes pas les maîtres de la Terre. / Nous en sommes les hôtes. / Elle nous laisse une seconde chance.”

Ceux qui partent – Jeanne Benameur (2019) 

Nous sommes confinés et nous découvrons des attentes, contraints d’éprouver un sentiment rare. L’attente, c’est celle que décrit précisément Jeanne Benameur dans Ceux qui partent, en 1910, celles de ceux qui arrivent à New-York. Ceux qui partent, donc. Ils passent un jour et une nuit sur la célèbre île. Un récit de la vaillance, aux descriptions précises et poignantes. Et dans l’attente, chacun des personnages invente un idéal. 

En attendant, pendant cette crise sanitaire, le Portugal a décidé de régulariser temporairement ses sans-papiers pour les protéger. 

“Il y a dans le monde des moments arrachés à tout, des îles.”

“La misère c’est quand votre vie vous manque.”

La peste écarlate – Jack London – 1912 

Le texte, paru aux Etats-Unis en 1912, est un récit d’anticipation post apocalyptique. London imagine dans cette nouvelle un fléau qui ravage la planète en 2013. La peste écarlate emporte presque tous les habitants de la terre. Le récit se passe en 2073, le monde est revenu à l’état sauvage. Quelques individus survivent malgré tout. Dans un univers de brutes, un vieillard, ancien professeur, se fait témoin de l’ancienne civilisation auprès de ses petits enfants. London le visionnaire. Trop fort. En 2020, c’est la peste blanchâtre dans la barbe d’Edouard Philippe. 

“Un jour viendra où les hommes, moins occupés des besoins de leur vie matérielle, réapprendront à lire.” 

  • Arthur Guillaumot / Cover : Pieter Brueghel l’Ancien, Le Triomphe de la Mort,1562