Entre le collectif Omezis et Arnaud Rebotini on pourrait parler, de manière légèrement emphatique, de coup de foudre musical : rencontré dans le cadre d’un projet d’accompagnement musical les deux entités remettent le couvert avec une création originale. Un double match Tinder qu’ils viennent travailler en résidence avant de nous livrer une preuve de cet amour naissant, en live, ce vendredi à la Vapeur et par la suite dans (quasi) toute la BFC.

Interview en partenariat avec Radio Dijon Campus, propos recueillis par Emma Lahalle & Augustin Francis.

Emma : Première question assez simple : pourquoi avoir fait cette collaboration, est-ce que c’est vous aviez envie d’explorer de nouvelles formes musicales Arnaud Rebotini? ou transmettre votre savoir au collectif Omezis ?

 En fait on s’est rencontré par l’intermédiaire de l’opération Iceberg qui met en relation des groupes émergents et des artistes plus expérimentés pour les coacher et partager des expériences. On s’est bien entendu et on a eu envie de retravailler ensemble suite à cette création et cette résidence.

Francis : Omezis c’est un collectif, aujourd’hui vous êtes 5 à participer à la résidence. Avant c’était un label, maintenant il y a des patrons de bar, des musiciens, des graphistes…C’est quoi Omezis en fait?

Omezis c’est effectivement un label et un collectif. Le label existe toujours ; ça cohabite. L’idée c’est d’avoir un collectif qui est une espèce de vivier avec des musiciens, des graphistes, des artistes divers et variés. De ce vivier, naissent des projets que l’on signe après ou non sur le label. Aujourd’hui on est à peu près une vingtaine, tous de Strasbourg, et aujourd’hui on est 5 issues de ce projet. J’ai oublié la question…

Francis : L’idée c’était de connaître les activités du collectif, et pourquoi cette formation ?

Avec le collectif on organise des soirées que l’on appelle les soirées Omezis, une fois par mois dans un bar qui s’appelle le Local. Le but de ces soirées c’est de faire de la création. C’est la 5ème année-là. En général, on réalise deux créations sur des thèmes choisis au préalable. On met l’improvisation au centre de projets éphémères ou pas d’ailleurs car il y a deux groupes qui sont nés de ces soirées-là qui s’appelle Cheap House qui fait de la techno expérimentale et un groupe qui s’appelle Émile Londonien, qui fait plutôt du new jazz. Ces groupes sont nés dans ces soirées-là. On a aussi un festival que l’on a pu faire qu’une fois car après il y a eu la fin du monde. On sort des disques, on développe des artistes, on fait du studio, de l’expérimentation…

©Julien Lasota

Francis : Tu parles d’Emile Londonien, il jouera avant ou après vous vendredi. Il a été programmé au Worldwide Festival cet été de Gilles Peterson, grande messe de l’Acid Jazz, Broken Beat et compagnie. Est-ce que vous, avec le projet que vous avez avec Arnaud, vous avez été approché par Gilles Peterson ? Et est-ce que ça vous dirait de jouer dans ce genre de festival ?

Arnaud Rebotini : Oui comme tu disais, c’est La Mecque du New Jazz, Broken et tout ça, donc ça serait sympa de le faire l’année prochaine mais pas avec Emile Londonien ! (Rires)

Collectif Omezis : On n’a pas été encore approché car le projet n’existe pas, c’est une vraie création. On ne s’est pas vu avant et le projet il est en train de naître là, ça fait deux jours que l’on répète et le premier concert c’est vendredi. Par contre, Gilles Peterson connaît le projet et le collectif Omezis. Il suit le projet de loin, donc pourquoi pas !

Emma : Je voulais revenir sur votre collaboration ; le mix Electro-Jazz c’est quelque chose qui peut paraître nouveau mais on l’a déjà vu avec de nombreux groupes et producteurs, je pense notamment à St Germain qui a plutôt un style new jazz et house, ou Electro Deluxe sur le côté hip-hop. Comment arrivez-vous à mélanger vos deux styles ?

Arnaud Rebotini : C’est Electro-Jazz mais pas forcément avec la lecture électro des années quatre-vingt-dix. Par exemple, je n’ai pas ramené de boîtes à rythmes, c’est un parti pris. Il n’y a pas du tout de programmation rythmique pour ma part. On revient un peu à ce que faisaient les jazzmen américains dans les années soixante-dix, je pense notamment à Herbie Hancock, ou à Miles Davis au moment de Bitchies Brew. D’autant plus que Herbie Hancock, il a pas mal exploré les séquences. Il jouait par-dessus les séquences (des lignes de basses et des séquences plus ou moins abstraites d’ailleurs). Ça sert de base rythmique et ça permet de construire des morceaux là-dessus. Nous, on repart de cette idée-là, c’est plus une vision rétrofuturiste des années 70 que St Germain ou ce qu’a pu faire la fusion House Jazz à Chicago. Il n’y a pas de samples, je ne reprends pas le son des instruments, j’utilise, au contraire, beaucoup d’instruments seventies qui ont été créés pour être utilisés avec des groupes. Ce qui nous rapproche de la nouvelle scène anglaise qui est également inspirée du côté jazz-funk des années 70.

Francis : Vous disiez que vous n’aviez pas amené de boîtes à rythmes par contre on sait que vous êtes un grand fan de synthétiseurs analogiques. Quand vous vous déplacez pour une résidence comme ça, combien de kilos de machines apportez-vous ?

Arnaud Rebotini : Je ne sais pas, Marco (il appelle quelqu’un). Il y a mon ingénieur de son régisseur qui est là.

Non je ne sais pas, pas mal, c’est imposant mais ça fait partie aussi de la mise en scène pour moi ; j’adore le son, je ne ferais pas un concert avec d’autres machines. En même temps ce côté-là, laboratoire rétrofuturiste, ça a beaucoup de charme pour moi.

©Julien Lasota

Emma : Pour vous Omezis, ça se passe comment de travailler avec un producteur et pas « un instrumentiste » ?

Arnaud Rebotini : Effectivement je ne suis pas instrumentiste mais par contre je suis compositeur. Mes instruments à moi ce sont des séquenceurs mais on compose ensemble. Dans ce projet, je ne suis pas producteur et je n’attends pas que les idées arrivent comme ça. Chacun ramène une idée, un thème, un autre répond par une grille d’accords…

Collectif Omezis : Nous, on joue avec un instrumentiste, on ne joue pas avec un producteur. On fait tous un peu de production, ce sont des disciplines qui se croisent. Nous, ce que l’on met en avant avec Omezis, c’est l’improvisation.

On défend le fait que le jazz, c’est plus une philosophie qu’une esthétique. Avec Omezis on se ferme aucune porte, on aime la confrontation et la rencontre. Là c’est ce qui se passe avec Arnaud. Notamment en mélangeant notre approche live avec le travail des séquences, des timbres qui est important pour nous.

©Julien Lasota

L’ambiance est plutôt bonne entre vous manifestement, est-ce qu’Arnaud Rebotini est impressionnant ? étant donné qu’il est le baron, voire le daron de la scène électro française ?

Collectif Omezis : Je vais répondre puisque tu me regardes méchamment (rires). Non pas du tout, faut dire que nous, on le connaît déjà. Ça fait déjà un moment que l’on travaille ensemble, et nous, on t’impressionne ?

Arnaud Rebotini : Parfois, Parfois !

Francis : Il y a la restitution du travail de création vendredi, le concert à la Vapeur, puis les concerts dans d’autres salles de la BFC, est-ce que par la suite vous imaginez laisser une trace, un EP, quelque chose de physique qui pourrait être commercialisé ?

Arnaud Rebotini : Oui, a priori. Heureusement qu’après deux jours à bosser sur le projet on est assez frais et motivé sur le projet pour l’enregistrer ! Moi je n’aime pas les projets qui restent un peu vains. On profite de la salle et de l’accueil pour composer de manière assez confortable.

Collectif Omezis : Le travail de studio avec ce projet peut complètement s’ancrer dans une suite logique. Ce n’est pas du tout le même travail. Allez en studio, permettra d’ouvrir d’autres portes.

Propos recueillis par : Emma Lahalle & Augustin Francis // Photos: ©Julien Lasota