Des Belges, du chant italien entre post-punk et mélodies et du gros bordel. Le 16 juin dernier, Ada Oda s’est produit à Besançon et a retourné la scène de La Rodia. On s’est posé avec la chanteuse Victoria Barracato et le guitariste César Laloux, ancien membre de BRNS, pour bavarder de ce projet qui tourne à fond depuis la sortie de leur premier album « Un Amore Debole ».

Pour ceux qui ne vous connaissent pas, Ada Oda c’est un groupe de post-punk Belge qui chante en italien. J’ai bon ? 

César : On essaie de s’enlever cette étiquette de post-punk… 

Victoria : On s’est rendu compte qu’on était pas vraiment dans ce registre et qu’on nous avait mis cette étiquette. On s’y est vite retiré pour se décrire dans un style général rock avec de la canzone italienne, avec des envolées lyriques tout en parlant et en criant à certains moments. 

Effectivement, y’a ce côté post-punk mais moi j’entends vachement les Strokes dans ce que vous faites avec une guitare assez nerveuse avec un bon treble, plutôt que du post-punk.

César : Oui je pense qu’on est plus proche des Strokes que des trucs post-punk. Le problème c’est que maintenant ceux qui font du rock disent qu’ils font du post-punk parce que c’est « cool », parce que ça vend… On se sent pas très à l’aise avec ça.

On avait osé se catégoriser entre Sleaford Mods et Laura Pausini

Le post-punk c’était un truc fantasmé parce que t’avais vu le projet comme ça à la base puis finalement ça a pris la direction de votre identité qui n’est pas forcément « post-punk ».

César : Ouais, je pense. Au début il fallait mettre des mots sur ce qu’on faisait et « post-punk » c’est ce qu’on avait entendu dire par le boss de notre label donc on a suivi. 

Victoria : Puis on s’est fait taper sur les doigts…

César : L’album suivant on va essayé de prendre un peu plus la tangente.

Tu dis que vous vous êtes fait taper sur les doigts, c’était des messages qui venaient de haters ou des retours des gens qui vous voyaient en concert, des trucs comme ça ?

Victoria : C’était parce qu’on avait osé se catégoriser entre Sleaford Mods et Laura Pausini par exemple, donc les fans de Sleaford Mods nous disaient « Je ne m’attendais pas à ça mais je suis super surpris et content d’avoir découvert un autre style ». 

Donc on est sur du rock Belge qui chante en italien. Le truc est complètement United Color of Benetton. Est-ce que vous pourriez faire une chanson en Espéranto à un moment ?

Victoria : Celle qu’on a répété tout à l’heure est une chanson qui parle de nos voyages à travers l’Europe. Je chante pas en Espéranto mais je balance des noms de villes d’un peu partout en gardant mon accent bien franchouillard. Du coup le style un peu « faux italien » – francophone va être plus marqué dans cette chanson-là. 

Vous allez tourné non-stop cette année, y’a une hype autour du projet. Vous le vivez comment ?

César : C’est une bonne question car c’est un truc dont on ne parle pas forcément entre nous de manière sincère. 

Victoria : On est un peu stressé du nombre de concerts qu’on doit faire, à assumer toutes ces dates, à être en forme. C’est le seul truc qui me fait un peu peur mais c’est trop cool de pouvoir voyager et de rencontrer de nouvelles têtes. 

Le jeu en live porte bien son nom chez vous ; ça saute dans tous les sens, ça occupe l’espace à fond. Le côté bordélique c’est quelque chose que vous aviez prévu de mettre en avant ou ça s’est imposé avec le temps ? Parce que j’ai l’impression que plus ça déroule et plus c’est zinzin ce que vous faites.

Victoria : C’est pas calculé mais ça nous décrit bien. C’est le bon mot.

César : C’est aussi la valeur ajoutée des musiciens qu’on a pris avec nous. Ce sont des gens chauds qui s’en sortent dans n’importe quelle situation musicale. Ils sont meilleurs musiciens que nous. Ils apportent ce côté zinzin, c’est cool. 

En fait on a deux versions de l’album. Y’a une version enregistrée en groupe comme une prise live qu’on trouvait trop robinet d’eau tiède

Sur le disque que vous avez sorti y’a un truc qui est très dur à trouver, c’est l’équilibre entre ce côté post-punk / rock et le côté hyper catchy des mélodies et du chant italien mais ça tombe jamais dans la variétoche. Comment vous avez réussi a placer ce curseur-là ?

Victoria : Le fait de rester un peu « lo-fi ».

César : Ce sont les prod’ et l’interprétation aussi. 

Victoria : Je n’ai pas la voix de Laura Pausini par exemple. Ce qui nous permet de ne pas être dans de la variété c’est ce léger côté parler-crier à la post-punk qui nous sort un peu de la mélodie.

Sur la prod’ y’a un truc de studio qui était particulier ? 

César : En fait on a deux versions de l’album. Y’a une version enregistrée en groupe comme une prise live qu’on trouvait trop robinet d’eau tiède. On voulait un propos un peu radical donc on a tout repris de zéro avec mes maquettes, des boîtes à rythmes qui sonnent pas trop bien.

Donc vous avez fait un mélange des deux en incorporant des tracks que t’avais fait ?

César : Ouais c’est ça.

Victoria : On a même hésité à garder que les maquettes mais c’était un peu trop radical et… moche. 

Victoria, j’ai lu que t’avais découvert la scène avec Ada Oda. C’est pas trop dur d’être confronté du jour au lendemain à la scène avec des mecs qui sont habitués aux tournées et aux projets ?

Victoria : Au début je me sentais pas vraiment légitime par rapport à eux. Je ne savais pas ce qu’était un wedge (enceinte de retours ndlr) ou même de comprendre que je n’arrivais pas à chanter sans les In-Ear (écouteurs de retours ndlr). Il m’a fallu plus de temps que les autres pour apporter quelque chose de professionnelle au projet. Au final, ça m’a appris énormément en très peu de temps. Tout est sous contrôle avec cette bande de joyeux lurons. 

En tant que journaliste d’investigation que je suis, j’ai découvert que ce n’était pas vraiment ta première scène parce que tu es la fille de Frédéric François. Du coup, t’as déjà partagé la scène avec ton papa au préalable ou pas ? 

Victoria : Oui mais ce n’est pas comparable parce que j’avais aucun rôle à jouer, c’était que des petites apparitions pour lui faire plaisir en concert. Ça n’avait rien de professionnalisant même si je l’ai souvent suivi en tournée. Je me rends compte maintenant que je n’avais jamais vraiment compris la technique et ce qu’il se passait alors que maintenant je suis dans le vif du sujet.

De quel œil il voit ta carrière aujourd’hui ? Surtout que tu chantes en italien donc ça doit être une super fierté pour lui ?

Victoria : Oui il est content, il m’envoie des photos de lui avec le t-shirt (rire). Il donne des petits conseils sans forcément déranger le projet. Même si c’est pas forcément son style de musique, il comprend et apprécie.

Cette pochette d’album avec ton bras en mode muscle, c’était quoi l’idée derrière ça ? C’était pour passer un message féministe ?

Victoria : Je l’ai fait lors d’une rupture (rire). Je trouvais ça drôle de montrer mon petit muscle, surtout que je ne suis absolument pas musclée. Ça représente bien cette petite bande qu’on forme avec Ada Oda de petits rockeurs pas très musclés qui aiment crier sur scène.

César : Et ça représente le titre de l’album « Un Amore Debole » : un amour faible. 

Propos recueillis par Frank le Tank // Photo de Une : © Ameline Vildaer // Photos : © Stéphane Risack / © Maxime Hillairaud