On est monté jusqu’à la Niche du Chien à Plume,  pour aller voir l’un des concerts d’ouverture de Un Mois de Franc Tamponnage organisé par Magna Vox. Là-bas, on a eu le très grand plaisir de rencontrer King Dude. Issu du metal, King Dude se trouve quelque part entre le rock, le blues et la folk avec une bonne dose de poésie. Thomas Jefferson Cowgill est ce genre de mec avec qui tu parles pendant des heures de tout et dont tu aimerais que les concerts durent toute la nuit…

Tu as commencé la tournée de ton dernier album Music To Make War To avec ce titre incroyable « Time To Go To War ». De quelle guerre est-il question ?

Il n’est ni question de relations internationales entre nations ni de guerre spirituelle. C’est à propos d’un conflit personnel, d’une guerre personnelle, entre deux personnes. Il y a des personnes qui s’obligent à côtoyer ou subissent d’autres personnes qu’elles n’aiment pas dans leur quotidien. Cela conduit à des troubles. Ce morceau parle de ça.

Un peu comme si tu racontais le paradoxe entre ce que tu aurais aimé être ou faire et que tu n’es pas ?

Oui… Je crois qu’il y a de ça. Il y a aussi l’envie de raconter les conflits, les guerres qui peuvent conduire à l’Amour. Il y a cette part de ça en nous. Celle qui est en conflit, qui se retrouve en guerre. Oui c’est pour cela que l’album s’appelle Music To Make War To.

La tournée de ce nouvel album t’a mené ce soir à Dommarien au milieu de la campagne. Comment tu te sens à l’idée de jouer ici ?

C’est magnifique. J’aime beaucoup cet endroit. On est arrivé ce matin pour le petit déjeuner, tu es accueilli avec du bon vin et du bon fromage. Et c’est tellement beau et simple ici. C’est aussi un peu psychédélique.

 « Lucifer n’a rien à voir avec Satan »

 

Il y a quelques années tu chantais « Lucifer Is The Light of the World ». Le Luciférisme est très méconnu en France. Comment décrirais-tu cette idéologie, cette philosophie de vie en quelques mots ?

C’est difficile à résumer simplement. Pour moi, et ça n’est pas le cas pour tout le monde, Lucifer n’a rien à voir avec Satan. Lucifer et Satan ont été liés par le catholicisme moderne et par le travail de Dante. Ça c’est la lecture du 14éme siècle. Avant ça, tu peux encore trouver des chants catholiques où Lucifer est glorifié comme le porteur de lumière. Je ne crois pas en cette idée d’adversaire. Je ne crois pas à Lucifer comme un ange déchu, qui soit l’autre côté d’une pièce unique. Je n’aime pas cette idée de Satan, de Sheitan. Je pense que Jésus ou Buddha avait quelque chose de Lucifer en tant que porteur de Lumière, de direction. Il y a quelque chose de la réalisation personnelle en l’image de Lucifer. Tu peux être comme Buddha ou Jésus si tu le souhaite.

C’est une idée qui est difficile à comprendre en France. Nous sommes un pays d’héritage et de tradition catholique très forte. Nous avons cette idée très forte de Mal incarné dans la figure de Satan, du Diable…

Satan est aussi mauvais que Dieu dans mon point de vue. Les deux faces d’une même pièce selon moi. Sans tentation apportée par le Diable dans la Bible, il n’y aurait pas eu d’Humanité. Je crois qu’il y a une autre forme de Mal, plus ancienne que Dieu donc que nous. Je te vois très confus…

Si je comprends bien, tu évoques les théories du New Luciferian Order. Cette idée non pas d’une organisation du Monde et de l’Univers selon un plan divin mais au contraire un grand chaos d’aléatoires et d’accidents…

Oui, tu peux avoir cette lecture si tu veux. Il peut y avoir différent point de vue dans de nombreuses différentes religions et surtout de nombreuses lectures. Je crois que c’est bien.

Tu n’es donc pas dans une recherche de la provocation et de la subversion ?

Non. Ce n’est pas l’idée du bouffon provocateur. Il y a toujours eu des personnes qui ont voulu ou essayé de mettre le Monde en ordre. Les catholiques ou d’autres ont beaucoup essayé de faire que  l’on pense de la même manière. Cela ne peut être.  Jamais. Ce n’est pas comme cela que cela fonctionne. Tu dois trouver ton propre chemin, tu dois le chercher. C’est un voyage. C’est pour cela que nous sommes ici. Nous sommes tous connectés d’une manière ou d’une autre. Nous avons à rechercher nos vérités. Cela peut paraître simpliste mais c’est vrai. Nous avons aussi à nous aider les uns les autres. Ça aussi c’est vrai.

 J’ai découvert ta musique alors que je lisais La Maison Des Feuilles de Danielewski…

J’aime ce livre. C’est un voyage psychologique avec une forme d’horreur. Ce n’est pas l’horreur à la Stephen King avec un monstre ou un truc dans le genre. Il y a quelque chose de profondément dérangeant dans cette œuvre. Toute la partie où tu dois mettre le livre en face d’un miroir pour le livre, m’a quelque part inspiré pour l’album Fear. J’ai repris l’idée pour le livret et les paroles. J’aimais bien l’idée que l’auditeur doive se regarder lui-même s’il veut lire ce que je chante.

« J’aimerais faire un titre avec Lana Del Rey comme ça j’aurai beaucoup d’argent »

 

Pour revenir à ta musique, tu as chanté les titres de Julee Cruise et elle a chanté les tiens. Est-elle une de tes amies ?  Je voulais te demander as-tu vu la dernière saison de Twin Peaks ?

Oui, c’est une très bonne amie et non je ne l’ai pas vu. Si tu veux j’ai tellement regardé et aimé les deux premières saisons il y a 24 ans. Cela fait un moment. Sauter sur une troisième saison si longtemps après c’est très étrange. J’ai besoin de regarder à nouveau les deux premières saisons intégralement avant de commencer la troisième. Je dois comprendre ce que David Lynch veut faire. Julee joue dedans. Au début je voulais juste regarder les scènes où elle apparaît. Elle est brillante et m’a beaucoup inspirée. C’était assez fou d’écrire des morceaux pour elle. Sa musique et cette série m’ont orienté sur ma manière de percevoir la musique et l’Art en général. Je vais la regarder, il faut que je prenne le temps de le faire. J’aime tellement le travail de David Lynch que je veux regarder ça en entier et ça demande quoi 15, 20 heures devant un écran ?

Tu as chanté pour Julee Cruise, tu as aussi travaillé avec Chelsea Wolfe et plusieurs autres femmes. Je voulais te demander comment tu choisis ces featuring. Il y en a t’il que tu aimerais faire ?

Ce sont des amis. Avec Julee, c’est Facebook qui a permis la connexion. Facebook a ce très bon côté de permettre des rencontres même si il y aurait beaucoup à dire sur la plateforme.  Je dois cependant lever mon chapeau à Facebook parce que ça m’a permis de rencontrer Julee. Elle a partagé un de mes morceaux sur sa page, je crois que c’était Jesus in the Courtyard. Un de mes amis m’en a parlé. Je cherchais une voix pour un de mes morceaux, Animal et c’était la voix de Julee que je cherchais sans le savoir. C’était incroyable que ça devienne réel. Après lui avoir écrit, on a échangé, je lui ai envoyé la demo et elle a chanté dessus.

Pour les featuring que j’aimerais faire, j’aimerais faire un titre avec Lana Del Rey comme ça j’aurai beaucoup d’argent. (Rire). (…)

On trouve d’ailleurs sur Youtube un clip de ce merveilleux morceaux que tu as écris qui s’appelle « My Mother Was The Moon. » Est-ce que tu as quelque chose à voir avec ça ou c’est du fan art ?

Non je n’ai rien à voir avec ça mais je trouve ça génial. Tant que tu ne t’appropries pas l’œuvre, tu peux faire ce que tu veux. Il y a quelque chose de magique de te dire que tu contribue à influencer la création d’autres.

  • Zak