Maintenant 20 ans que l’association dijonnaise nous fait découvrir les musiques indés à travers des concerts et des festivals. Et nous offre en cette fin de février quelques petites sauteries pour fêter ça. L’occasion pour nous de faire une rétrospective avec Boris Ternovsky, un des fondateurs. 

D’abord lancé sur des événements pluridisciplinaires à l’initiative d’un petit collectif d’artistes en 2003, le projet Sabotage a beaucoup évolué. « Mon plaisir à moi, c’était plutôt d’organiser des concerts. On a commencé à le faire un peu avec le festival Kill Your Pop qui a commencé en 2004 et qui est aujourd’hui le festival MV. Passé les premières années, on s’est rapidement concentrés sur l’orga’ de concerts à l’année » précise Boris.

En 20 ans d’expérience, Sabotage (le nom de l’asso vient du titre des Beastie Boys) a su s’implanter dans le paysage culturel dijonnais, a base de concerts en petites jauges et d’esthétique pop, folk ou lo-fi, dont certains ont marqué les esprits : « Le concert de Mac Demarco au Deep Inside a été marquant, c’est quelqu’un avec qui ça s’est très bien passé ». Tout comme le groupe The Chap que Sabotage a fait jouer plusieurs fois, « Musicalement et humainement c’est un groupe avec qui on s’est bien entendu et qui fait une pop loufoque ; une musique assez représentative de nos goûts », mais aussi R Stevie Moore ; une figure de la musique américaine, le producteur de musique électronique et rock Andrew Weatherall ou encore Laetitia Sadier. « On a été marqué par Stereolab dans les années 90 – 2000. On a reçu Laetitia Sadier avec son projet solo et son projet de groupe, c’était important pour nous de la recevoir ».

Surprise Barbue - Consortium Museum - Sabotage
Surprise Barbue – Consortium Museum (2019) / © Vincent Arbelet

Pour célébrer ses 20 ans, Sabotage met les petits plats dans les grands en proposant pas un mais toute une flopée d’événements qui rythment ce mois de février. « Nous on gère les petites formules, les petits événements et on s’y retrouve très bien comme ça donc l’idée ce n’était pas forcément de changer nos habitudes pour cet anniversaire ». Pour marquer le coup, l’asso fait revenir des artistes qui lui tiennent à cœur comme Michel Cloup, Federico Pellegrini ou Balladur. « Ce sont des projets qu’on écoutait y’a 20 ans quand Michel Cloup était dans Diabologum et Expérience, quand Federico jouait dans The Little Rabbits, on aimait ce qu’ils faisaient à l’époque, on aime ce qu’ils font encore maintenant. Leurs projets ont évolué, nous aussi et on garde cet intérêt pour leur travail » complète Boris.

La teuf a déjà commencé à La Vapeur samedi 11 mais ça se poursuit mardi 21 à la brasserie Un Singe en Hiver, à la Péniche Cancale le vendredi 24 pour le Dirty Dancing et une Birthday Party au Chez Nous le samedi 25. Bim ! « L’idée, c’était d’essayer de travailler avec quelques partenaires historiques de l’association. On aurait aimé faire plus d’événements avec le Consortium et l’Atheneum mais ç’aurait été limité en termes de dates ». Finalement, comme nous l’explique Boris, ce mois de février « c’est ce qu’on propose un peu tout le reste de l’année mais avec des spécificités concernant la prog’ ou le lieu car on ne travaille pas souvent avec le Chez Nous par exemple ».

The Chap - Péniche Cancale - Sabotage
The Chap – Péniche Cancale (2015) / © Vincent Arbelet

Boris nous donne quelques précisions concernant les choix de programmation : « que ça soit Balladur ou Federico pour nous ça représente très bien l’écart des musiques qu’on peut aimer car ce n’est pas du tout les mêmes esthétiques ». Pour Sabotage l’importance réside donc aussi bien dans l’esthétique artistique que dans l’entente humaine : « les artistes qu’on programme ne sont pas juste des coups de cœur artistique, c’est aussi mettre en avant des personnes qui ont une manière de penser et d’être qu’on apprécie ». 

Attention ça ne s’arrête pas là ! Sabotage et l’Atelier Tout va bien ont carrément conçu un objet-anniversaire ! Une rétrospective visuelle sous la forme de dépliants-cartes postales qui représentent 20 ans de programmation à Sabotage. « C’était l’occasion de nous replonger dans nos souvenirs et essayer de créer avec les Tout va bien un objet qui nous représente, qui montre notre parcours avec des vieilles photos et des récentes, la diversité des artistes qu’on a pu proposer. C’est un plaisir déjà pour nous de créer cet objet et on a pensé que ça pourrait aussi faire plaisir à la personne d’avoir cet objet, de retrouver les artistes qu’ils ont sûrement vu en concerts. »

« Aujourd’hui, la musique dite « indépendante » est industrialisée, c’est-à-dire que c’est devenu une esthétique, un style ».

Après 20 ans dans le domaine, Boris nous donne sa vision de l’évolution des musiques actuelles indépendantes : « Le terme “indépendante” avait une signification peut-être un plus forte il y a 20 ans même si ce terme a toujours du sens pour nous. J’ai l’impression que si tu veux avancer artistiquement, tu dois avancer financièrement et ce n’est pas comme ça qu’on imagine le truc. Par exemple, un artiste qui a envie de faire de la musique, quelques concerts et qui finalement ne veut pas rentrer dans le réseau et cette industrie, qui n’a pas forcément envie d’imprimer des vinyles ou de trouver 10 dates par mois mais qui a juste envie de faire de la musique dans son coin, les professionnels du milieu ne vont pas forcément aller le chercher et le programmer mais vont avoir tendance à se concentrer sur des artistes qui sont développés par plein de gens et qui veulent être dans ce tourbillon médiatique-industriel-financier. Pour moi y’a plein d’artistes qui sont laissés de côté car leurs envies, c’est de se retrouver avec leurs potes, de faire un concert de temps en temps et juste produire quelque chose qui a du sens pour eux. Aujourd’hui, la musique dite « indépendante » est industrialisée, c’est-à-dire que c’est devenu une esthétique, un style. Ça n’empêche qu’il y a de la place pour tout le monde et y’a encore de la place pour la musique indépendante telle qu’on l’entend mais si tu décides d’être hors réseaux, t’as moins de facilité ». 

Texte et propos recueillis par Maïa // Photos : © Vincent Arbelet // Photo de une : © Chan Masson